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Le Blazer

Jeans, trench, barbour, tartan… nos amis britanniques ont depuis longtemps été à l’origine de percées décisives dans notre univers de la mode. Aujourd’hui, dans le petit livre que nous consacrons aux vêtements mythiques de notre vestiaire, ouvrons la page du Blazer, ma pièce fétiche d’un vestiaire qui se respecte, celle qui habille une tenue en toutes circonstances.

Décidément , Madame Marie Rucki, mon admirable mentor du Studio Berçot (école de stylisme dans laquelle je fis mes armes il y a fort longtemps), avait raison d’apprécier chez nos voisins d’outre Manche ce sens inné de l’excentricité créative, prompt à affleurer au milieu d’une impavidité très maîtrisée. C’est ça le style ! Le Blazer n’échappe pas à cette règle non écrite.

À la fin du XVIII ème siècle, Lord Spencer, amiral de sa Majesté, se mit en tête de baptiser sa lignée de vaisseaux du nom de son petit chien. 

Celui-ci s’appelait Blazer, issu du verbe « to blaze » qui signifie rien moins que « s’enflammer » ou « flamboyer ». 

Affronter le grand large, ses périls et tout ennemi, n’empêche pas d’avoir de la tenue, bien au contraire. Les marins du Blazer se signalaient par une tenue impeccable, composée d’une veste bleue, cintrée et croisée, ornée de 6 boutons dorés. Bientôt adopté par la plupart des marins du monde, le Navy Blazer devint la norme.

Et puis, au risque de me répéter, comme nous l’avons vu avec le Trench, et le Jean, la mode, la Belle Époque, l’insouciance pétaradante entre les guerres, s’appropria le Blazer pour lui offrir un destin moins maritime mais pas moins flamboyant au gré des tendances qui vont et viennent. Les Beatles à leurs débuts montaient sur scène sanglés dans leur blazer. Les Stones, entre deux trips sous acide, le revêtaient à l’occasion. Gainsbourg ne le quittait guère que pour dormir, et encore dormait-il ? De même pour Bob Dylan. Andy Warhol immortalisa le mix Blazer - blue jeans. Les chakras des stylistes étaient ouverts en grand pour laisser libre cours à leur ré-interprétation du blazer. 

Saint-Laurent, qui lui-même le portait avec élégance, fit évidemment partie des plus grands interprètes du blazer dans le registre féminin.

Vous connaissez depuis longtemps déjà Albert et Marcel, nos incontournables créés et déclinés depuis octobre 2018, ils ont rapidement été rejoints par un petit nouveau qui vous a conquises, vous devinez duquel je parle ? Je n’ai pas eu un seul instant la tentation de l’appeler Michka, comme un clin d’œil au petit chien Blazer de l’Amiral Spencer. On ne peut honnêtement intituler un vêtement d’origine marine du nom du seul Golden de la création qui craigne la mer et les vagues, non !

Notre Blazer à nous s'appelle Edgar, en hommage à l’immense Edgar Morin, penseur de la complexité et observateur infatigable de la notion de sérendipité qui m’est chère

– vous savez, ma tarte Tatin, symbole d’un accident métamorphosé en succès –

Ici est aussi la page des aveux. Notre blazer a pour origine un acte fondateur intime. Il y’a plus de dix ans, déjà, j’avais repéré, dans le vestiaire de mon père, un blazer en tweed aux couleurs d’automne de la Marque Scapa of Scotland. Prétextant que jamais je ne l’avais vu le porter, je confisquai l’objet, sans opposition, pour lui redonner vie sous une autre forme. Après quelques retouches et ajustements, ce Blazer devint le mien. Il m’allait , et me va toujours, divinement. 

Ne cherchez aucun Œdipe dans cette captation du blazer paternel, mais vous pouvez avec certitude y voir un acte initial de recyclage zéro gâchis qui allait devenir la colonne vertébrale éco-responsable de Mister K., et surtout une archive essentielle, à l'origine de toutes mes pistes de réflexion et de création.

Prenez soin de vous, surtout. 

C.H