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Julie Mamou-Mani

Dans ces longues semaines de confinement-bis le pire serait de nous morfondre et de nous lamenter. En se donnant la peine de chercher, on y trouvera toujours une pépite, une étincelle, un enchantement, une belle rencontre, un lapin ou une colombe sortis du chapeau d’un magicien, une raison d’espérer, pour embellir ces jours de langueur et leur redonner un sens. Justement, je vais vous présenter aujourd’hui l’une de ces plus belles rencontres : Julie Mamou-Mani.

Vous la connaissez sûrement sous son nom de scène, @Mamouz.

Lors du premier confinement, ses posts Instagram (Julie Mamou-Mani- @Mamouz) ressemblaient à ce feu d’artifice tiré la nuit sur une plage normande, pour tromper l’ennui et réveiller le bourgeois, par Gabin et Belmondo, éméchés, dans un Singe en Hiver.
Souvenez-vous de quelques salves irrésistibles de Mamouz :
"Je confine, tu confines, nous confinons… mais c’est quand confini ?" 
"Si le ski alpin… qui a le beurre et la confiture ?" 
"Est-ce qu’un psychopathe peut être embauché comme psychologue chez Lustucru ?"
… Et ainsi de suite, chaque jour, sans faiblir, Julie, telle une chercheuse d’or, se pose au milieu de la rivière et remue son tamis dans l’eau. Elle en extrait toujours une pépite.

Cette façon de ne pouvoir résister à partager un bon mot, une pirouette, une contrepèterie, une image incongrue, n’est rien qu’un kiff et pure générosité. C’est gratuit, sans contrepartie, il s’agit juste d’offrir aux autres une taffe d’oxygène et de rire, sans la moindre méchanceté. Les gens lumineux n’ont pas besoin d’être méchants et de stigmatiser les autres pour exister. On laisse le ressentiment et la jalousie aux «méchants cons », ils sont finalement si malheureux, on n’y peut rien … dommage.

Il n’y a pas de secret, il n’y a pas de hasard. Générosité, tolérance, gaieté, anticonformisme se trouvaient déjà dans le liquide amniotique de Julie, née dans une famille aimante, unie et engagée. Père et Mère étaient (et sont toujours) avides de justes causes. Au milieu du foisonnement psychédélique des années 70, on gardait quand même un œil inquiet sur l’avenir et les pieds sur terre. Ces parents-là furent compagnons de route des Amis de la Terre, association fondée par des figures tutélaires, les René Dumont, Konrad Lorenz, Claude Lévy-Straus, Brice Lalonde et bien d’autres, convaincus qu’il fallait et qu’il faut, plus que jamais, protéger l’environnement, le climat et défendre les droits humains. 

Julie a repris le flambeau, bénévole au sein d’autres associations, dont la Maison des Femmes de Saint-Denis . 



Julie exerce aussi un métier qui, somme toute, est la chambre d’écho de toutes ses convictions. Elle est journaliste reporter depuis … toujours, ou du moins, depuis le jour où, adolescente, elle a su qu’elle ne pourrait rester bras ballants face au tumulte du monde. Elle vénère Joseph Kessel, immense écrivain et reporter sans frontière de la trempe d’un Hemingway. Elle en a sûrement pincé pour Robert Redford - dans Les Hommes du Président - incarnant l’iconique Bob Woodward qui débusqua Nixon dans le scandale du Watergate. Alors, au tournant de l’année 2000, DESS de journalisme et diplôme de l’Institut Français de Presse en poche, Julie se lance dans sa vocation.

Jusqu’en 2018, elle est passée par la plupart des salles de rédaction (Europe 1, Elle, Marie-Claire… ), des plateaux télés (LCI,  France 5 chroniqueuse « Les Maternelles », France 3 réalisatrice « C’est mon choix », TFI réalisatrice « Combien ça coûte », M6 journaliste pour « 66 Minutes » et productrice d’ « Enquêtes exclusives », j’en oublie…) et des boîtes de production les plus actives (Reservoir Prod au temps de feu-Jean-Luc Delarue, Coyote avec le vibrionnant Christophe Dechavane). Entre-temps Julie aura empoché un DEA d’histoire de l’art et aura contribué à l’organisation d’actions humanitaires au Burkina Faso, à la construction d’une petite école à Boassa et d’un orphelinat à Ouagadougou. 

Tiens tiens ! La télé ne suffirait-elle plus à étancher la soif d’absolu de Julie ? Formidable caisse de résonance du monde en fusion, l’info télé s’est construite pour préférer la tourmente et les trains qui déraillent aux trains qui arrivent à l’heure, plein de passagers désireux de transformer la réalité, voire heureux. 

Assurément Joseph Kessel a dû souffler à Julie qu’ «il n’est pas nécessaire de courir le monde, de traverser océan et jungle, pour sentir le charme des nuées, la sève des arbres, le langage des rivières et des nuits ».

Alors en Mars 2017, Julie se lance, comme on allumerait le dernier étage d’une fusée – mais est-ce vraiment le dernier, j’en doute – Elle crée Mamouz Prod, seule aux commandes, mais riche de toutes les rencontres faites au cours des années de baroud. Dans un mode de fonctionnement en étoile, Julie peut compter sur tous ces chefs opérateurs, cameramen, réseaux d’amitiés et de compétences freelance, pour développer son projet. Elle crée, invente, fabrique des documentaires, des portraits, des contenus destinés à tous les supports, y compris les podcasts, tellement plus agiles et en lien direct avec les vrais gens que la télé dinosaure.

Pour le cas, improbable, où ses journées seraient inoccupées, Julie trouve aussi le temps d’enseigner comme Directrice du MBA de Production audiovisuelle de l’EFAP École des métiers de la communication. Elle attache évidemment beaucoup de valeur à partager son engagement et transmettre son expérience.

C’était la Toussaint. J’ai eu une pensée pour ma grand-mère bien aimée. Je l’entends me dire « ma p’tite Charlotte, elle m’donne le tournis ta Copine, ça part dans tous les sens sa vie ! ». Non, Mamie, pour une fois tu aurais tort, sa vie ne va que dans un seul sens. Tous les chemins que Julie emprunte mènent over the rainbow, à un unique continent. Ce continent s’appelle l’humanité. Nous le savons bien, tous ces chemins sont pleins de dangers et de misères. Il va nous falloir en supporter d’autres virus scélérats, de la bêtise en vrac et en détail, de la méchanceté, des idéologies rances, du fanatisme aveugle, des guerres sales … mais nous croyons dur comme fer qu’il y a moyen de passer de la noirceur à la lumière, d’Une Saison en Enfer aux Illuminations, comme Rimbaud, de la médiocrité au panache, des passions tristes à la tendresse et prolonger le charme. Dans sa quête, Julie pratique quatre moyens, pour certains, complètement insensés, pire naïfs, mais pour tant d’autres, tellement enchanteurs et stimulants : humour, dérision, nuance et gentillesse. J’entends d’ici le rire gras des dépositaires de la « bêtise au front de taureau » … et pourtant, le vrai courage, incandescent et irréfutable, est entre les mains de celles et ceux qui chercheront jusqu’à l’épuisement, à rapprocher les extrêmes. Et figurez-vous que ces derniers, en dépit ou plutôt à cause de leur hurlement et leur violence, s’enfoncent dans un monde sans solution, asséché et replié sur lui-même.

Allez, mon vieux Sisyphe, on recharge sa caillasse et on y retourne, sans rien lâcher. Camus affirme que Sisyphe ne désespère à aucun moment et qu’il est même heureux.

C.H