Saïd
Essaouira la marocaine est une ville magnifique qui fait face à l’Océan Atlantique et ses emportements.
Il y a deux ans j’y ai accompagné le surfeur qui m’est cher, lui en quête de la plus belle vague comme chacun de ses acolytes qui s’adonnent à cette sorte de rite initiatique plein de légendes et d’admirateurs inavoués de Point Break, moi en quête de repos et d’inspiration entre deux collections. Pour cela, Essaouira est un lieu magique, au carrefour de tant d’influences et vibrations multiples . On rapporte que Jimi Hendrix et Cat Stevens y firent des séjours, en quête eux aussi de toute sorte d’inspirations ou, plus sûrement, d’inhalations diverses . Les vapeurs de ces temps hippies sont dissipées , le tourisme de masse leur a succédé jusqu’à ce que le maudit virus cloue les avions au sol et rendent la ville à ses habitants, privés pour le moment de la manne touristique mais toujours riches de leur dignité, leur simplicité et la pratique de métiers ancestraux, pêche, commerce, marqueterie, vannerie.
Il y a deux ans, c’est précisément en flânant dans la Médina, qui recèle cette alchimie subtile, faite de cosmopolitisme, de nonchalance, de dédales et de parfums mélangés, que je fis la rencontre de Saïd.
J’étais là en quête, de farniente peut-être, mais aussi d’un artisan vannier, avec en tête l’idée, encore un peu vague, d’ajouter un beau panier plein de soleil et de douceur à nos collections.
Or au Maroc la vannerie et la confection de tapis appartiennent à cette noblesse d’artisans qui se transmettent depuis des millénaires ce merveilleux savoir faire. Dans la Médina d’Essaouira ils sont nombreux à pratiquer leur art. Vingt fois j’ai dû m’arrêter pour discuter avec un de ces détenteurs de tour de main exceptionnel. A chaque fois je repartais époustouflée mais indécise, jusqu’à ce que je rencontre Saïd. Comme souvent dans mon cas, avant de m’engager commercialement, l’instinct et le bon vieux facteur humain remplacent toute forme d’appel d’offre ou mise en concurrence sur bases rationnelles et méthodiques. Avec lui, allez savoir pourquoi nous nous sommes immédiatement trouvés en terrain complice, entrepreneurs et artisans passionnés, lui comme moi. Je crois qu’il a été sensible au fait que je porte un intérêt sincère à sa vie et à son métier en vue de produire des paniers singuliers, porteurs de ma Marque, non pas d’acheter un lot destiné à revente avec marge. Je n’étais pas une touriste en goguette, mais une collègue venue de Paris pour parler projets communs. Or les productions de Saïd étaient - et sont toujours - belles et soignées.
Saïd pratique la vannerie de façon naturelle et avec une passion intacte. Il utilise joncs et feuilles de palmier récupérés avant qu’ils ne prennent la route de la décharge. Il anime aussi une sorte de coopérative ouvrière qui permet à des femmes dans le besoin de vivre plus dignement.
Je m’entête à dire que je ne crois pas aux coïncidences, vous le savez, mais rencontrer à 3000 kilomètres de mes bases un entrepreneur doué d’empathie, qui fait du beau, fait le bien et le fait bien, tout en appliquant mon credo -zéro gâchis- tient lieu d’enchantement. Je me suis juré en repartant de développer avec Saïd une collaboration.
Voici le moment venu de travailler avec Saïd et ce moment est spécialement opportun. La Covid et la désertion touristique ont tragiquement éprouvé nos amis Marocains, beaucoup plus que nous. Il me plait de donner un coup de pouce à sa trésorerie en lui passant, maintenant, commande des paniers qui vont joliment agrémenter notre collection d’été.
Mais ce n’est pas tout, j’avais une idée supplémentaire en tête. Je suis retourné voir Laurent Audouin, de la Maison Audouin & Fils dans la banlieue de Cholet, lui qui a superbement façonné Serge, notre sac devenu iconique. Il a spontanément adhéré à l’idée de «customiser » nos paniers en les parant du plus beau de ses cuirs.
J’espère que vous y verrez comme moi un acte de re-localisation gagnant-gagnant intelligent.
Nos paniers sont tellement plus que des accessoires. Laissons les tirades géopolitiques à d’autres, mais ma conviction d’entrepreneure est profonde. La nécessaire re-localisation dans notre beau pays de certaines productions ne signifie pas repli sur soi au détriment de plus pauvres que soi. Elle signifie tirer parti de tous les talents dans la recherche d’une éthique d’action respectueuse des droits humains fondamentaux et de l’environnement, sinon… à quoi bon ? Avec notre panier au bras, vous voyagerez plus loin que vous ne l'imaginez. Comme il est plein de soleil et de bienveillance, nous l’avons nommé Tipasa, hommage à un autre rivage voisin et à celui qui l’a célébré de façon sublime.
….Debout dans le vent léger, sous le soleil qui nous chauffe un seul côté du visage, nous regardons la lumière descendre du ciel, la mer sans une ride…
(extrait de « Noces à Tipasa » de Camus…. naturellement)
Prenez soin de vous toujours.
C.H