Au tournant des années 90, La Botte Gardiane était à peine une marque, plutôt l’outil de travail que les gardians de Camargue portaient en chevauchant à travers les joncs et les iris, sur la terre sablonneuse du Delta du Rhône, pour rameuter leur troupeau. Le fondateur de cette marque très confidentielle laissa partir sa petite affaire en liquidation judiciaire, comme une fatalité, au moment où les gardians ainsi que leur troupeau s’effaçaient lentement du paysage.
C’est alors que Michel Agulhon, entrepreneur insatiable, créateur de chaussures de sécurité, entrevit que La Botte Gardiane pouvait renaître de ses cendres. L’affaire fut reprise en 1995, au moment où Antoine, Julien et Fanny, sortaient de l’adolescence pour entrer dans la vie active et la carrière. Leur diplôme aurait dû les destiner a des cursus de banquiers, ingénieurs ou designers, mais voilà, la terre de Camargue doit posséder quelque chose de magnétique et d’envoûtant. Van Gogh et Gauguin pourront vous le confirmer après leur séjour en Arles !
À partir de l’an 2000, l’un après l’autre, Antoine, Julien et Fanny revinrent au bercail pour faire tourner la Marque sous la houlette du père qui envisageait de se retirer, en douceur, avec la satisfaction de celui qui a le luxe de n’avoir rien à démontrer, mais le bonheur de transmettre.
Regardez sur le site de La Botte Gardiane, la photo aujourd’hui d’Antoine, Julien et Fanny, vous n’y verrez pas la parabole des fils et de la fille prodigues revenus de leurs illusions, mais la tranquille assurance d’une saga, soudée autour de leur Marque. Il y a des photos qui ne trompent pas.
2002 est assurément l’année où l’enseigne prit son essor et acquit sa réputation de niche d’excellence. La botte de gardian, modèle iconique, a « fait des petits », bottines, chaussures de ville hommes et femmes, sandales, sous le crayon de Fanny, styliste de la saga. Les Japonais qui sont maîtres pour assumer la coexistence entre extrême modernité technologique et traditions ancestrales, virent dans les collections de la Botte Gardiane tout ce qu’ils aiment et les lient dans leur archipel : le respect des anciens, la durabilité, la justesse du dessin, l’obsession du détail et de la qualité, l’absence d’esbroufe, la famille protectrice et puis sûrement le souffle des « kamis », ces esprits du Shintoïsme, capables de se loger aussi bien dans le souvenir d’un proche, un meuble familier ou … pourquoi pas une paire de bottes, pourvu qu’elle ait une âme !
Assurément La Botte Gardiane a une âme, la même que j’ai rencontrée à Cholet chez Laurent Audouin, qui fabriqua Serge, notre sac et chez Alain De Smet qui fabriqua Irving, notre Perfecto.