ITW n°64: Juliette - K fighteuse.
Hello,
Aujourd'hui la jolie Juliette, 28 ans, croqueuse de vie, entrepreneuse et passionnée, nous raconte avec un ton baigné de lumière et de sincérité son K de la Thyroïde découvert à l'âge de 17ans. A présent Juliette n'est pas en rémission, mais carrément officiellement GUERIE depuis 1 an, quel bonheur de lire ses mots ! Wouah !! Je vous laisse la découvrir !
Commençons:
Qui es tu ?
Prénom: Juliette
Age : 28 ans
Profession: entrepreneuse (créatrice de Walleriana)
Ou vis tu : Paris
Pourquoi acceptes tu de partager ton histoire aujourd’hui ?
j’aurais tellement aimé lire des témoignages de jeunes femmes à mon époque. Il me semble important de pouvoir en parler sans tabou, pour aider les femmes qui traverse cette épreuve à se sentir moins seules.
Quelles sont tes qualités (en quelques mots) ?
mes qualités ? Je suis une passionnée, j’ai la joie de vivre et je ne lâche jamais l’affaire ! Je ne manque pas d’empathie non plus. Voilà !
Quelles sont tes passions (en quelques mots) ?
les voyages, mon entreprise, écrire, lire, la photo et les travaux manuels.
Quel K (quel cancer -grade si tu le souhaites / stade idem) :
Cancer de la thyroïde avec un nodule de 4 cm de diamètre
Quand a t il été découvert ? Quel age avais tu ?
17 ans, l’année du bac
Dans quelles circonstances a t il été découvert ?
tout à fait par hasard ! Alors que nous étions en cours avec une amie (que tu connais d’ailleurs : Charlotte Brégégère alias Augusta chez Sézane), et que j’étais vautrée sur ma table lors d’un cours particulièrement inintéressant, elle me fait remarquer que j’ai une boule au niveau de la gorge. Je décide d’aller à l’infirmerie du lycée et l’on me dit que c’est la thyroïde. A l’époque, je n’avais aucune idée de ce que c’était, et lorsque je suis rentrée chez moi, j’en ai parlé à ma mère. Nous sommes allées voir un médecin et de fil en aiguille, d’examens en examens, nous avons découvert que le nodule présent dans ma thyroïde devait être opéré. Ce n’est qu’après la première operation (durant laquelle on m’a retiré une partie seulement de la thyroïde) qu’on m’a annoncé que j’avais un cancer et qu’il fallait m’opérer à nouveau pour m’enlever la deuxième partie.
Si tu es en cours de traitement, ou en rémission (depuis combien de temps ?)
Ma rémission est terminée, cela fait désormais 1 an que je suis officiellement guérie ! Je ne vis plus avec au quotidien, je ne suis plus autant angoissée (même s’il m’arrive d’être parfois un peu hypocondriaque).
Peux tu nous résumer ton histoire de (K fighteur)?
J’ai été opérée une première fois pour enlever la partie de la thyroïde dans laquelle se trouvait le nodule. C’était le jour de la saint Valentin et mes parents sont restés à mon chevet toute la soirée (ça je m’en souviens, parce-qu’entre deux hauts le coeur liés à la morphine, je me suis excusée de leur pourrir leur soirée !). A l’époque, mon frère était en internat de chirurgie avec le fils du chirurgien qui m’a opéré. Il a eu le droit de venir en salle d’opération avec moi pour mon endormissement. Il a aussi été le premier à apprendre la mauvaise nouvelle, 3 jours après mon opération. Lui était retourné à Paris et moi j’étais à Pau chez mes parents. Il m’a appelée et m’a dit “j’ai eu les résultats, la bonne nouvelle c’est qu’on a bien fait de t’enlever ce nodule. C’est une merde. Du coup il va falloir t’enlever le deuxième morceau. C’est une tumeur maligne juju. Tu vas devoir retourner sur le billard la semaine prochaine…”
Je me souviens lui avoir demandé si j’allais mourir, et si j’allais avoir une chimio.
J’ai été opérée la semaine suivante. Puis j’ai été envoyée à l’hopital Bergonié à Bordeaux où se trouve le meilleur centre de traitement du cancer de la thyroïde. La chance dans mon malheur, c’est que ce dernier se guérit sans chimio, simplement en prenant une gélule d’iode 131 qui détruit les cellules thyroïdiennes éventuellement présentes dans le corps. Ce n’est pas une partie de plaisir pour autant, car étant radioactive, je n’avais droit à aucune visite pendant une semaine (sauf médecins et personnel soigant), et j’ai subis tous les effets secondaires du traitement (pourtant rares d’après les médecins) : vomissements, nausées à crever, douleurs au niveau de la cicatrice et parotidite aigüe (aujourd’hui encore, mes parotides gonflent lorsque je mange quelque chose d’acide).
En sortant de l’hopital, je suis retournée directement au lycée et j’ai continué ma vie comme s’il ne s’était rien passé. J’avais perdu 6 kilos et j’avais une tête de déterrée mais j’ai fais l’admiration de mes parents et de mes professeurs.
J’ai eu le retour de baton un an plus tard (petite dépression pendant 2 ans à me demander “pourquoi moi?”).
Depuis, tous les ans, je suis suivie (encore aujourd’hui) avec échographie cervicale une fois par an et bilan sanguin tous les 6 mois.
Quels traitement as tu eu ?
chimio:
non
radiothérapie:
non plus !
opérations :
2 scintigraphies (une avant l’opération et une après), et 2 opérations à une semaine d’intervalle. Hospitalisations de 3 jours et 3 nuits chacune.
autre:
traitement par iode 131 avec hospitalisation de 8 jours. C’est une gélule radioactive. L’iode 131 détruit la thyroïde (c’est pour cela qu’on donne des pastilles d’iode aux gens lorsqu’il y a une fuite dans une centrale nucléaire).
Aujourd’hui je suis sous lévothyrox à vie, pour compenser le fait que je n’ai plus de thyroïde.
Quelles astuces en lien direct avec le K as tu envie de partager
(ton feeling avec médecin, tes bons plans d’organisation traitement, tout ce qui te semble utile ;)) ?
1/ hopital: (ex: contact avec infirmières / doc / aides soignants):
Réponse: le personnel de l’hopital Bergonié a été exceptionnel. De la femme de chambre à l’infirmière en passant par les médecins, tous ont été absolument adorables ! Ils n’avaient pas le droit de s’éterniser dans ma chambre à cause de la radioactivité, mais je me souviens d’un homme venu nettoyer ma chambre qui est parti en courant me chercher une bassine à l’autre bout de l’hopital parce-que j’avais envie de vomir, et d’une aide soignante qui m’a dit “vous êtes très jolie mademoiselle !”. Ca n’a pas de prix, surtout quand tu es au 36 millième dessous et que tu es jaune citron !
En revanche, le médecin qui m’a fait ma scintigraphie et qui m’a annoncé qu’on allait m’opérer a manqué de tact à tous niveaux…
2/ medicine “parallèle”, si tu as a fait (quelles disciplines, quels furent leurs bienfaits):
Réponse: 3 ans après mon traitement, alors que j’était très mal et que je me posais sans cesse la question “pourquoi moi”, on m’a offert 3 séances de Reiki. Je ne connaissais pas et étais plutôt dubitative, mais ça m’a fait énormément de bien. Ca m’a permis de faire sortir de nombreuses choses que je ne parvenais pas à faire sortir autrement. A l’époque, j’étais encore incapable de parler de Bergonié et de comment j’avais vécu mes 8 jours de traitement, enfermée dans une chambre sans pouvoir voir ma famille.
Que faisais tu pour te changer les idées / te vider la tête (avant chimio , operation & co) ?
J’écrivais beaucoup (je tenais un journal, ça m’aidait à exprimer ce dont je n’avais pas envie de parler). Et je révisais mon bac à fond !
Je faisais aussi de la couture, des travaux manuels, et beaucoup de philatélie. Ca m’aidait à me concentrer et à ne penser à rien d’autre.
Quelles astuces pratico-pratiques “bien être / beauté” peux tu nous conseiller ?
1/ beauté: tes produits indispensables (ex: crèmes, vernis, cicatrices, huiles…)
pour aider à la cicatrisation, j’ai utilisé pas mal de Vaseline. Ca permet d’assouplir la peau autour de la cicatrice et ça limite les tiraillements. Aujourd’hui j’utilise le Papaw Ointment (qui vient d’Australie) et qui fait le même effet que la Vaseline.
Je la protégeais énormément (et encore aujourd’hui) avec de l’écran total. J’ai toujours une crème solaire sous forme de stick dans mon sac, et un miroir.
2/ look, (ex: ton look préféré chimio, hosto, tous les jours pour te sentir bien):
j’avoue ne pas me souvenir mais je ne crois pas avoir changé mes habitudes, si ce n’est, toujours porter un foulard ou une écharpe pour protéger ma gorge (et encore aujourd’hui je ne sors jamais sans une écharpe !) C’est une amie qui m’en a offert une alors que j’étais à l’hopital pendant ma première opération. Le plus beau cadeau qu’on m’ait fait et le plus utile !
3/ quotidien (ex: sport, nourriture & co, meditation, lecture…)
beaucoup beaucoup de lecture ! Et surtout des romans d’aventure pour oublier un peu J
Etais tu soucieux du regard des autres, avais tu peur que leur regard change ? Que faisais tu pour le contrer ?
personnellement, je n’ai pas eu de perte de cheveux, le traitement par iode 131 ne comportant pas cet effet secondaire. Néanmoins, je cachais ma cicatrice derrière un foulard ou une écharpe car je n’avais pas envie qu’on me pose des questions.
Quelles sont les phrases “pépites” / pieds dans le plat (dont tu te rappelles) qu’on a pu te dire pendant le K et qui auraient pu t’être évitées ?
“ah ben la voisine de ma mère a eu un cancer de la thyroïde et elle en est morte !” (aha aha aha ! merci pour ton intervention, je pleure maintenant ou je t’en colle une avant ?)
“j’ai mes règles j’ai trop mal au ventre c’est horrible !” (ouai ben écoute je viens de me faire opérer deux fois et j’ai vomi tripes et boyaux pendant mon traitement, mais sinon je comprends parfaitement ta douleur),
“allez, le pire est derrière toi, c’est fini maintenant” (c’était pas méchant du tout mais c’était juste après ma première opération et je sentais que mon combat était loin d’être fini, et que le pire était peut-être encore à venir),
“pourquoi tu ne manges rien ? C’est pourtant pas si mauvais que ça la nourriture d’hopital !” (alors en l’occurrence, ce n’était effectivement pas mauvais, mais j’avais juste des nausées à crever donc bon…),
“j’aurais pas aimé être à ta place !” (ben moi non plus à vrai dire).
Une phrase de mes amies m’a particulièrement blessée “t’es plus comme avant, tu rigoles plus, c’est chiant” (pardon de vivre l’évènement le plus traumatisant de ma vie alors que je suis en pleine adolescence et que je devrais vivre les meilleurs moments de ma jeunesse)…
Le pire était le sentiment de pitié à mon égard. J’ai toujours eu horreur de ça. Je n’ai pas de souvenirs précis des petites phrases dites à cette occasion mais ça m’énervait de voir les regards de souffrance des gens.
Comment tes proches t’ont ils accompagné ?
Ma famille a été formidable. Mon frère a été très rassurant, car toujours factuel, jamais dans l’émotion, étant lui-même dans le milieu médical. Ma soeur a été parfaite lors de mes opérations, toujours présente à mon chevet pour me raconter les histoires de déménagement de ses copines, ça me changeait beaucoup les idées et c’était toujours drôle ! Et mes parents : ma mère, pleine d’attentions, me préparant des petits plats, m’accompagnant à tous mes examens, ayant toujours les mots justes. Elle n’a jamais douté que j’aurais mon bac à la fin de l’année et m’a toujours soutenue. Mon père, attentionné mais jamais tire larme, toujours là quand j’en avais besoin pour me changer les idées. C’était très dur pour lui mais il ne m’a jamais prise en pitié et a toujours su me consoler quand ça n’allait pas, en me prenant simplement dans ses bras, sans un mot.
Au lycée j’avais aussi d’excellentes amies très présentes, des soutiens infaillibles qui m’appelaient tous les soirs, venaient m’apporter les cours, me défendre auprès d’élèves débiles qui pensaient que j’étais partie en vacances pendant deux mois !
Mes prof ont été exceptionnels aussi. Certains m’ont envoyé des cartes avec des mots adorables, d’autres m’ont filé leur numéro pour me donner des cours particuliers. Sans leur aide, je ne suis pas sure que j’aurais eu mon bac cette année-là (mais à vrai dire, c’était le cadet de mes soucis !).
Et quels seraient les conseils que tu pourrais donner aux proches qui accompagnent un K fighteur ?
en ce qui me concerne, je ne supporte pas les regards de pitié. J’aimais les gens qui étaient dans la vie, qui me faisaient un peu oublier que j’étais malade. Etre à l’écoute sans vouloir trop en faire c’est important, ça permet d’éviter de dire des boulettes !
Te renseignes tu sur le K sur internet ?
je l’ai fait mais je ne le fait plus. On lit trop de choses flippantes. Je n’ai pas besoin de ça pour continuer à avancer.
Si oui, est ce que ça te fait du bien ?
héhé réponse à déduire de ce que j’ai écris au-dessus !
Si oui, quels seraient les liens (internet) utiles qui t’ont aidé pendant le K ?
honnêtement, j’aurais aimé qu’un site comme le tien existe à mon époque. En parler de façon décomplexée et humoristique, ça fait du bien, tout en ayant une approche très factuelle et sans tabou.
Qu’est ce que le K a changé dans ta vie …?
(par exemple: ta vision du monde, des priorités, de tes essentiels, recentrer ton entourage, dans ton travail, ta philosophie ..?)
Les premières années je suis devenue intolérante : toute personne se plaignant d’un petit mal quelque part m’énervait au plus haut point. Mais avec le temps, j’ai appris que chacun vit des choses différentes, et les expérimente à sa manière.
Je vis beaucoup au jour le jour. Je ne fais pas de grands projets car je pense qu’au fond de moi, il y a une part d’incertitude, même si je sais que mes “chances” d’avoir un cancer sont aujourd’hui les mêmes que n’importe qui.
En revanche, mon mot d’ordre est que la vie est trop courte pour qu’on s’embarrasse de choses inutiles. Ca vaut pour tout : les personnes, le travail. Je n’ai plus peur de dire ce que je pense.
Avant j’étais très timide. Ca aussi ça a changé !
En revanche, j’apprends tous les jours à vivre sans thyroïde et ce n’est pas toujours évident… La thyroïde régule tout dans le corps : les humeurs (j’avais déjà un sale caractère mais c’est devenu pire ! Je suis beaucoup plus émotive), le rapport au chaud et au froid (les saisons jouent beaucoup sur mon moral, jai plus de mal à me réchauffer en hiver et souffre beaucoup de la chaleur en été, et je dois aussi adapter le dosage de mon traitement en fonction).
Champs libre ;)
raconte nous ce que tu souhaites (qui ne se trouverait peut etre pas dans mes questions) :
Aujourd’hui, avec du recul, je me dis que rien n’arrive par hasard et que je ne serais pas la personne que je suis si tout ça ne m’était pas arrivé. Je m’en serais bien passé évidemment, mais je suis fière de ce que je suis devenue. Ca m’a permis d’être plus à l’écoute, peut-être plus empatique aussi. J’ai arrêté de me demander “pourquoi moi” car de toute façon, il n’y a pas de réponse. Bien qu’il me soit toujours difficile de raconteur certains détails, j’ai retrouvé la paix en moi et je suis capable de parler de ce que j’ai vécu sans problème, comme si c’était une simple grippe !
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Mille mercis Juliette pour ce si précieux témoignage.
Si comme Juliette vous souhaitez raconter votre histoire et livrer vos astuces , rdv ici , renvoyez moi votre questionnaire et 1 photo de vous pour que je vous dessine ;) à : interview@mister-k-fighting-kit.com
Vous êtes nombreux à m'envoyer vos témoignages, merci pour votre confiance si précieuse, pour cette même raison, les diffusions de vos interviews seront parfois diffusées dans plusieurs mois, mais sachez que je garde et transmets absolument TOUS les témoignages qui me sont envoyés, merci pour votre compréhension.
Sachez que je ne retouche aucune Interview, elles sont complètement libres, c'est votre liberté, votre histoire, je rajoute juste ma touche perso avec l'illustration, elles sont délivrées telles qu'elles m'ont été envoyées ;)
NEVER GIVE UP !!
Charlotte